Association Grandir d'un Monde à l'Autre

par Marie-Odile Houssais

C’est le sujet qui sera abordé lors de la prochaine assemblée générale^* de l’association Grandir d’un Monde à l’Autre dont je suis membre.

Le rire et le handicap ? J’ai une multitude de souvenirs sur le sujet.

Il y a quelques années, je participais à des séjours de vacances organisés par l’APF^** de Rennes. Des séjours qui réunissaient des personnes porteuses de différents handicaps (physique, mental). Mes amis en fauteuil faisaient preuve de pas mal d’autodérision et d’un sens de l’humour à toutes épreuves, parfois sur son versant corrosif.

Il y avait Patrick, rennais actif et militant, IMC, qui nous racontait en blaguant, avec force détails pour déclencher notre hilarité, le jour où, empruntant un passage piéton, une voiture roulant à toute allure avait percuté son fauteuil électrique et l’avait fait valser sur la chaussée tel un pantin désarticulé. Au bout du compte, une jambe cassée et un séjour à l’hôpital à la clef. Un de ses plaisirs, lors des visites de villes ou villages, était d’arrêter son fauteuil pile sur le pictogramme représentant un fauteuil sur les places de parking en braillant à qui voulait l’entendre : « Je suis juste à ma place ».

On a moins ri quand Gilles, lors d’une promenade, est tombé dans un étang, et que la paralysie l’a empêché de se retourner dans l’eau, que nous ne voyions plus que son dos qui flottait, dérivant. Nous avons été prompts à le repêcher. C’est après, remis de nos émotions, que nous avons gloussé avec lui. Sec et changé, une serviette enturbannant ses cheveux humides, du rire plein les yeux, il répétait sa phrase unique et favorite depuis son accident de mobylette et son aphasie : « Eh ben dis donc ! ». Nous étions assez d’accord avec lui. Soulagés.

Un jour, nous visitions la chapelle de Lalouvesc, en Ardèche, avec Véronique, jeune femme indépendante et talentueuse, IMC, qui communiquait avec les autres en utilisant une ardoise pour enfants à touches sensibles qu’elle effleurait de son auriculaire au prix d’efforts et d’adresse incroyables, quand les ordinateurs n’existaient pas encore. Une dame âgée s’est soudain approchée d’elle, s’est penchée et lui a glissé dans la main, quasiment de force, un chapelet blanc en plastique, en lui souhaitant « bon courage », l’œil luisant de bons sentiments. Nous avons dû évacuer les lieux, par respect, tant Véro hoquetait de rire et que nous contenions avec peine nos propres soubresauts.

Que de rires partagés durant ces vacances, des rires qui soudaient le groupe, effaçaient les différences physiques ou mentales. Des éclats de joie et de plaisir partagés qui reléguaient bien loin des esprits les séances de kiné, les soins, les dépendances des uns et des autres.

Alors, oui, le handicap, rions-en quand c’est possible, quand le moment est propice, que l’on soit handicapé ou pas. Sur nos propres handicaps, bien sûr, sur ceux des autres aussi, avec eux, surtout avec eux…

* mercredi 13 juin

** APF : Association des Paralysés de France